“Qui contrôle la conversation”
Via Vadesecure
Accusation de censure contre accusations de fake news… la situation actuelle sur les réseaux sociaux et sur internet ne satisfait personne. Comment gérer la liberté d’expression sur les médias sociaux ? La plainte qui vise Google depuis le 20 octobre dernier est riche d’enseignements et de menaces pour Facebook et Twitter.
La tribune parue le 22 octobre dans The Economist évoquant le contrôle de l’expression sur les réseaux sociaux met les pieds dans le plat : la situation actuelle sur les moteurs de recherche et sur les réseaux sociaux ne satisfait personne et n’a jamais été viable. En tant que citoyen et investisseur dans les médias, je suis particulièrement sensible aux enjeux de liberté d’expression et celle-ci se joue désormais aussi largement sur nos écrans.
En fait, la situation ne peut plus rester en l’état. Cela se manifeste d’abord par le pouvoir effroyable de Google. Mais les choses pourraient être en train de changer. Un événement est passé relativement inaperçu en France : le procès antitrust contre Google, intenté au mois d’octobre par le ministère de la justice (DOJ) et les procureurs généraux de onze états, qui pourrait être le plus important procès en matière de concurrence contre une entreprise technologique depuis le procès du DOJ contre Microsoft en 1998.
Contre le pouvoir exorbitant de Google
Bien sûr, ce dépôt d'une plainte n’est que la première étape d'une bataille qui pourrait prendre des années. Mais, selon la presse anglo-saxonne unanime, c’est le plus gros procès en matière de concurrence depuis cinquante ans qui s’annonce. La plainte est large, couvrant le pouvoir de Google sur la recherche d’informations en général, ainsi que la publicité liée à ces recherches.
Au lieu de dommages-intérêts, la plainte demande la restructuration de Google et la restriction de son comportement illégal. Une approche qui devrait être lourde de conséquences. Le résultat “pourrait contraindre Google et sa société mère Alphabet à modifier la structure de ses activités”, note The Economist.
Selon moi, il sera indispensable à terme de séparer les moteurs de recherche et les entreprises de stockage de données.
Contre le risque de censure sur les médias sociaux
En octobre également, rappelle The Guardian, un important rapport détaillant une enquête menée par la commission judiciaire de la Chambre a conclu que les entreprises technologiques exerçaient "trop de pouvoir" et censuraient les discours politiques, diffusaient de fausses nouvelles et "tuaient" les moteurs de l'économie américaine. Faut-il rappeler que “plus de deux tiers des Américains pensent que les réseaux sociaux sont nuisibles” ?
De toute évidence, annonce la tribune de The Economist, de puissantes actions viseront bientôt Facebook, Twitter et d'autres médias sociaux.
Sur le seul plan de la liberté d’expression, la situation n’est plus tenable entre les parties :
- La gauche parle de théories du complot, d'incitation des partisans de la "suprématie blanche" : les réseaux sociaux plongent les gens dans la haine et le mensonge.
- La droite accuse les entreprises technologiques de censure (concernant notamment l’article accusant le fils de Joe Biden).
Transférer le contrôle de la liberté d’expression
La question en jeu est donc la suivante : "qui identifie et contrôle la pratique des discours publics ?". L’article rappelle que, depuis février 2020, YouTube a identifié plus de 200 000 vidéos dangereuses ou trompeuses sur le covid-19. Ou que Samuel Paty a été assassiné après une campagne contre lui sur les médias sociaux.
“Les tentatives modernes des entreprises technologiques pour contrôler la situation signifient qu'une poignée de cadres de haut rang (non élus par le public) fixent les limites de la liberté d'expression”, constate-t-il.
Rendre possible le transfert des données personnelles
Pour vendre plus de publicité, les algorithmes des entreprises technologiques nous envoient des nouvelles et des messages pour attirer notre attention. “Les cyniques politiques, les escrocs et les extrémistes se servent de ce caractère viral des nouvelles pour répandre mensonges et haine”, regrette The Economist.
Plutôt que de contrôler la liberté d’expression des utilisateurs, les grands réseaux sociaux feraient mieux de réfléchir à leur fonctionnement. De réfléchir à la liberté de leurs utilisateurs livrés aux algorithmes.
Sinon, une charge tout aussi retentissante que celle qui vise Google les visera très bientôt.
Limiter les monopoles sur les données personnelles
Face à ces situations de monopole, une solution possible est de “changer le modèle commercial utilisé par les entreprises techniques et d'accroître la concurrence”. Le stockage collectif des données pourrait être introduit : les utilisateurs pourraient transférer leurs données vers un autre réseau social (aujourd’hui, ils les perdraient toutes), les entreprises technologiques devant alors se livrer à une concurrence saine.
Interdire la censure par les réseaux sociaux
Concernant la censure, les gouvernements devront “établir des règles de base au niveau national - et définir les lois régissant l'obscénité, l'incitation, etc. et laisser l'évaluation des différents postes à d'autres”. Car “les restrictions arbitraires et politiques sont inacceptables”. Elles devraient même, selon moi, être clairement et définitivement proscrites par la loi !
Car, conclut The Economist, “les entreprises techniques peuvent vouloir signaler l'existence de violations, y compris dans les tweets présidentiels post-électoraux, mais elles ne doivent pas s'immiscer dans le débat”.