Dieu n’aime pas les femmes
Le progrès fulgurant du féminisme est l’un des phénomènes les plus marquants des dernières décennies. Les sociétés démocratiques, et c’est heureux, ont donné aux femmes les mêmes chances de réussite qu’aux hommes dans à peu près tous les domaines. La part de ce « à peu près » trace une frontière entre les optimistes, comme moi, qui font confiance dans l’avenir pour combler les écarts résiduels, et ceux (celles ?) qui pensent vivre dans une société patriarcale dans son essence. Celles-là me semblent porter un jugement hâtif sur les sociétés séculières. Et dans leurs critiques, elles oublient trop souvent ce point : les plus gros pourvoyeurs de misogynie et de phallocratie restent les religions.
Pas la peine d’épiloguer sur le cas afghan. Il n’aura pas fallu longtemps aux nouveaux maîtres du pays pour montrer la valeur qu’ils mettaient dans le mot « inclusivité ». La mise au pas des femmes afghanes a commencé, et elle risque d’être terrible.
Au même moment, un drame survenu près de chez nous a mis en lumière la condition faite aux femmes dans un environnement culturel dominé par l’islam. Je veux parler du drame qui a coûté la vie à Shaina Hansye, 15 ans, poignardée et brûlée vive à Creil, ainsi que le relate un récent article du Monde. Les faits, sordides, remontent à 2019. Ils trouvent leur origine dans un viol collectif perpétré contre la jeune fille quand elle avait 13 ans. Après quoi, l’histoire de Shaina n’a plus été que soumission aux regards et aux gestes des jeunes hommes de sa cité, soumission qui s’est terminée par son assassinat.
Dans le monde d’Allah, un rapport malade à la femme
Ce fait de société doit nous alerter sur ce qui se passe régulièrement, non pas à Kaboul, mais dans des villes européennes où l’islam constitue un substrat culturel. On se souvient du Nouvel An 2016 à Cologne, au cours duquel des réfugiés d’origine arabo-maghrébine s’étaient rendus coupables d’agressions envers des centaines de femmes allemandes. A la faveur d’une tribune parue quelques jours plus tard dans Le Monde, l’écrivain Kamel Daoud avait établi un lien entre ces agressions et la religion musulmane. L’écrivain y évoquait explicitement « la misère sexuelle dans le monde arabo-musulman, le rapport malade à la femme, au corps et au désir ».
Je suis tellement en phase avec ce qu’a écrit Daoud que je me permets de citer un long passage de son texte : « Le rapport à la femme est le nœud gordien, le second dans le monde d’Allah. La femme est niée, refusée, tuée, voilée, enfermée ou possédée. Cela dénote un rapport trouble à l’imaginaire, au désir de vivre, à la création et à la liberté. La femme est le reflet de la vie que l’on ne veut pas admettre. Elle est l’incarnation du désir nécessaire et est donc coupable d’un crime affreux : la vie. C’est une conviction partagée qui devient très visible chez l’islamiste par exemple. L’islamiste n’aime pas la vie. Pour lui, il s’agit d’une perte de temps avant l’éternité, d’une tentation, d’une fécondation inutile, d’un éloignement de Dieu et du ciel et d’un retard sur le rendez-vous de l’éternité. La vie est le produit d’une désobéissance et cette désobéissance est le produit d’une femme. » En fait, je suis tellement d’accord avec l’analyse de Kamel Daoud que j’ai écrit peu ou prou la même chose, dans un de mes livres intitulé Le Sexe est le pire ennemi de Dieu (en accès libre sur mon site).
Mais que n’avait-il écrit ! A l’époque, certains l’ont traité d’islamophobe. Mais le plus étonnant, c’est que parmi les critiques de Daoud, on trouvait un certain nombre de femmes se disant féministes. Après Cologne, il y a eu l’affaire Mila, cette jeune femme menacée de mort pour avoir dit ce qu’elle pensait du Dieu des musulmans avec ses mots à elle. Chacun de ces événements a suscité des réactions divergentes au sein des féminismes, mouvement suffisamment composite pour qu’on en parle au pluriel. D’un côté, il y a celles qui mettent la défense des femmes au-dessus de tout, quel que soit le profil de l’agresseur ; de l’autre, celles qui refusent de condamner les violences envers les femmes commises en lien avec l’islam (quand ce n’est pas directement en son nom), parce que ça les embête de s’en prendre aux « musulmans opprimés », médaille d’or de leur palmarès des dominés. En schématisant, cette opposition peut être ramenée à une querelle entre les Anciennes, branchées sur les Lumières, et les Modernes, sensibles au discours woke et à toutes les fables intersectionnelles. Vous avez deviné de quel côté je penche…
Aucune religion n’a le monopole du mépris envers les femmes
Que des événements navrants ou tragiques liés à l’islam fassent régulièrement l'actualité ne doit pas faire oublier une chose : aucune religion monothéiste n’a le monopole du mépris envers les femmes. Dès lors qu’ils sont motivés et majoritaires, les chrétiens sont également capables de pourrir la vie de leurs fidèles de sexe féminin. Je réalise en écrivant ces mots que la notion de fidélité désigne à la fois le lien qui unit le croyant à son Dieu, et la femme à son mari, ou le mari à sa femme. Bien sûr, ce n’est pas un hasard !
S’ils ne vont pas jusqu’à leur ôter la vie au nom de textes sacrés, les chrétiens conservateurs, là où ils sont au pouvoir, adoptent des mesures qui ont pour effet de priver les femmes de certains de leurs droits. Qu’on pense à la nouvelle loi adoptée par le Texas pour restreindre l’IVG.
Ce qu’il est important de relever, dans la politique texane, c’est qu’elle est menée au nom de Dieu, de la Bible, de la croyance religieuse selon laquelle la femme ne saurait être autre chose que « ce temple qui accueille la vie ». Ici, la différence avec l’islam ou le judaïsme n’est pas une question de nature, mais de degré. En conclusion je vous le dis, mes bien chers frères, mes bien chères sœurs : appelez-le comme vous voudrez, mais Dieu n’aime pas les femmes !