Dans mes lectures : Élisabeth Badinter, L’amour en plus : Histoire de l’amour maternel (XVII-XXe siècle), 1980
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Je n’ai jamais adhéré à l’idée selon laquelle hommes et femmes seraient des êtres venant des planètes différentes. Pour moi, ce sont mâles et femelles d’une seule espèce avec leurs propres avantages et inconvénients biologiques. C’est pour cela que les mythes autour de leur « nature » qu’ont créés les idéologies de toute sorte, notamment le monothéisme, me font souvent rire. Un bon exemple est la croyance selon laquelle la femme serait un être caractérisé par un amour maternel indépassable… C’est précisément contre ce poncif que s’élève Élisabeth Badinter dans son livre.
Quel est l’objet général de ce texte ? Badinter cherche à restituer la longue histoire de « l’amour maternel » et à savoir avec précision s’il s’agit d’un comportement propre à la « nature féminine » ou s’il s’agit d’une injonction sociale construite collectivement. Elle découvre qu’au XVIIe siècle, les femmes devaient « simplement » s’occuper des enfants sans prendre le temps de les aimer, car « l’amour maternel » était alors perçu comme dysfonctionnel au regard des obligations sociales et économiques et de l’omniprésence de la mort, qui rendait dangereux l’attachement à son enfant. Plus tard, avec le romantisme, et durant tout le XIXe siècle, ce même amour maternel est à l’inverse devenu une obligation sociale pour toutes les femmes. Injonction pour le moins contradictoire ! Peut-on forcer quelqu’un à aimer ? Au XXe siècle enfin, la psychanalyse a poussé plus loin encore cette injonction : non seulement la femme devait s’occuper et aimer ses enfants, mais encore, elles devaient prendre soin de leur mari. Toutes ces injonctions étaient en dernière instance la preuve d’un « transfert », au sens psychanalytique de ce terme, de l’absence d’un pénis.
Bref ! Le livre d’Élisabeth Badinter nous renseigne sur ce qui caractérise le plus les contraintes des femmes dans les sociétés occidentales : la versatilité des obligations auxquelles elles ont été, et continuent d’être soumises. Surtout, cette versatilité a eu pour conséquence une « dénaturation » des femmes, par laquelle on a toujours tenté de leur attribuer des caractéristiques qu’elles n’ont pas. C’était notamment le cas dans l’Angleterre victorienne, où l’on estimait que les femmes avaient « naturellement » un désir sexuel plus faible que les hommes. Ce qui est en réalité faux ! Toujours, des théories plus ou moins fantaisistes ont émergé pour justifier une place subalterne aux femmes dans la société. Mais au fond, ce livre nous renseigne aussi sur le phénomène d’essoufflement de ces théories. On le voit aujourd’hui, les femmes sont libres et suivent le chemin de leur émancipation dans des directions imprévisibles. La libération sexuelle, dans les années 1960, a été pour beaucoup une source d’émancipation dans le choix de vie que les femmes désirent mener.
Mais je dirais que cela est encore insuffisant. Il me paraît clair que le désir de contrôle des femmes est toujours au coin de la rue, et qu’il faut encore et toujours lutter pour cette difficile émancipation. Élisabeth Badinter nous a ouvert la voie en ce sens.